Quatre irritants du blogging juridique

Depuis que j’observe ce qui s’écrit dans la blogosphère juridique et partage un certain nombre de billets via la page Facebook de Juris Blogging, je m’aperçois que plusieurs petites choses (des broutilles, j’en conviens) m’agacent parfois un peu. J’ai donc décidé de les partager ici dans l’espoir de sensibiliser les acteurs de la blogosphère.

J’ai identifié 4 « irritants », mais j’ai bien conscience qu’ils pourraient ne pas être perçus comme tels par d’autres lecteurs de blogues, chacun appréciant la qualité des billets selon sa sensibilité. Il serait d’ailleurs intéressant de pouvoir amender cette liste avec vos commentaires, je vous encourage donc à réagir à ce billet estival.

Par ordre croissant d’irritation, voici donc ce qui m’agace lorsque je lis certains billets de blogue.

Blogue ou billet ?

Commençons par une question de vocabulaire. Certains blogueurs ont pris l’habitude de désigner leurs billets, ou ceux des autres, sous l’appellation de blogue, et ce au lieu de billet, article ou post (si ce dernier terme d’origine anglaise ne saurait obtenir les faveurs de l’Office québécois de la langue française, il a au moins le mérite de la justesse).

Or cet usage du mot blogue pour billet est légèrement perturbant et je n’ai pas réussi à lui trouver une bonne raison d’exister. Le sens des mots blogue et billet retenu par l’OQLF ne laisse quant à lui planer aucune ambiguïté : la publication se nomme billet et le support en ligne se nomme blogue.

Titres fleuves… où l’on craint de se noyer

S’il faut, comme on nous le répète souvent, s’assurer d’écrire de manière à capter l’attention (par hypothèse fuyante) de nos lecteurs, cela devrait commencer par la formulation du titre du billet. Les titres des billets à teneur juridique, en particulier ceux qui commentent la jurisprudence, ne sont peut-être pas évidents à formuler mais il me semble qu’ils devraient, comme n’importe quel titre, être les plus évocateurs possible du contenu qu’ils annoncent. La concision et le soin apporté au choix des mots sont donc de mise. À chacun son style et l’humour par exemple, s’il est bien pratiqué, devrait faire mouche et inciter à la lecture du billet. Les titres qui décrivent de manière trop détaillée le contenu ou ne le reflètent pas sont donc à éviter si l’on souhaite respecter l’esprit du blogging et sa vitalité stimulante.

Les notes de « bas de billet »

La pratique n’est pas si fréquente, mais trop souvent rencontrée pour être passée sous silence. Les notes de « bas de billet », pour ne pas dire de page car cela n’a tout simplement aucun sens, ne sont pas appropriées au blogging, qu’il soit juridique ou non. Il suffit de lire un billet un peu long contenant des appels renvoyant à des notes finales pour s’apercevoir de l’inconfort que cela occasionne dans la lecture. La pratique semble surtout trahir l’origine académique du texte, soit qu’il ne corresponde qu’à un copier-coller d’un texte existant avec notes de bas de page, soit qu’il émane d’un auteur emporté par habitude de citer les sources en note. Établir des liens hypertextes dans son billet vers les sources pertinentes exige certaines manipulations peu plaisantes. C’est pourtant l’une des richesses du blogging que de pouvoir s’appuyer sur l’hypertextualité, laquelle permet au lecteur de prendre connaissances des sources de l’auteur, de suivre son cheminement et d’initier son propre cheminement à partir de celles-ci. 

À ce propos, je tiens à souligner combien il est agréable de cliquer sur des liens hypertextes qui s’ouvrent dans une nouvelle fenêtre, nous évitant de pénibles va-et-vient et le risque de perdre le fil de notre lecture qui, rappelons-le, ne devrait pas être fastidieuse. Il est vrai que le paramétrage nécessaire pour que les liens insérés dans le billet s’ouvrent dans une nouvelle fenêtre vient alourdir les manipulations exigées par l’insertion des liens eux-mêmes. Cela reste un effort nécessaire afin d’offrir un confort maximum de lecture.

Les esprits chagrins pourraient finalement estimer qu’il y a pire : les billets qui ne contiennent aucune référence à des sources externes pour étayer un peu le propos. C’est vrai ! mais heureusement c’est rare, et cela peut même parfois s’expliquer par le caractère de billet d’humeur par exemple.

L’orthographe…ou quand un texte « pique les yeux »

Bien que je sois particulièrement irritée par un texte que l’on a offert à la lecture du public sans avoir pris le soin préalable de le débarrasser de ses fautes et coquilles, j’avoue éprouver une certaine gêne à exprimer mon irritation. D’abord parce que j’ai bien conscience de ne pas maîtriser ladite orthographe au point de produire des textes sans faute. Ensuite parce que je sens trop combien l’époque a tendance à nous faire croire que s’attacher à l’orthographe serait réactionnaire. Difficulté du français due à son « illogisme », nécessité de faire évoluer la langue, moindre importance accordée à la forme (surtout quand soigner la forme devient exigeant, particulièrement en temps) etc. il existe bien des raisons de s’accommoder d’un respect très approximatif des règles d’orthographe (on en découvre des surprenantes ici).

Et pourtant…

Il est difficile de pas considérer comme un manque de respect de ses lecteurs le fait de leur donner à lire un texte truffé de fautes. Mais il existe tellement de publications en ligne sérieuses (presse, revues savantes électroniques, sites institutionnels, etc.) qui n’ont même plus aujourd’hui le souci de diffuser des textes « propres » que je ne peux raisonnablement m’indigner que des billets de blogue rédigés, ou plutôt publiés à la hâte, soient si mal écrits. Et justement, j’ai bien peur que la vitesse soit en cause et c’est la raison pour laquelle je me permets de dénoncer cette fâcheuse tendance des blogueurs à négliger la forme, avant que cela ne devienne la norme des publications sur les blogues. Parce que ces billets truffés de fautes, ne sont pas écrits par des analphabètes, mais bien au contraire par des étudiants, par des avocats, des auteurs, qui semblent trop pressés. Or, si je ne cesse de vanter la rapidité et la réactivité du blogging juridique, ce n’est jamais au prix de concessions faites sur la forme. Cherchant à être fidèle à ma conviction, j’ai plusieurs fois, avec regret, renoncé à partager certains billets qui avaient selon moi dépassé la limite de ce qui est acceptable en termes de fautes et coquilles. La promotion du blogging juridique à laquelle je participe activement vise un certain blogging, un blogging de qualité qui fait honneur à cette pratique, la rend crédible et l’encourage. Bref, un billet de blogue juridique ne devrait jamais « piquer les yeux », parce que si la forme est au service du fond, elle peut quoi qu’on en dise, tout aussi bien le desservir.

Qu’on me permette donc de suggérer aux blogueurs de prendre le temps de se relire ou de confier cette tâche à d’autres. Lorsque le blogue est collaboratif, pourquoi ne pas charger une personne de vérifier la forme des billets, la qualité de la langue bien sûr, mais aussi la qualité et la validité des liens hypertextes par exemple ?